Les autorités algériennes ont diffusé massivement aujourd’hui lundi 23 août des images montrant l’opposant Mohamed Abdellah menotté et conduit par les services de sécurité au tribunal de Sidi M’hamed à Alger après avoir été expulsé samedi soir par les autorités espagnoles pour séjour irrégulier. Ces images ont été retransmises par toutes les chaînes de télévision algériennes et elles ont tourné en boucle sur les réseaux sociaux. Les autorités algériennes ont exhibé ainsi Mohamed Abdellah tel un trophée pour exprimer leur arrogante puissance et envoyer un message clair et précis aux opposants en exil : le pouvoir va continuer de vous traquer y compris à l’étranger !
C’est effectivement le message subliminal qui se dégage de ces images qui ont suscité de nombreuses réactions sur le web algérien. Et pour cause, qualifié de « traitre », de « dissident renégat », Mohamed Abdellah a été exposé telle une bête que le chasseur vient de dompter. Pour le régime algérien, il s’agit d’une victoire plus que symbolique sur cette opposition en exil qui demeure la seule force politique et médiatique encore en activité et qui continue tant bien que mal de lui tenir tête.
Cependant, les médias publics comme privés en Algérie ont été instruits de diffuser de nombreuses mensonges sur l’affaire de Mohamed Abdellah. D’abord, contrairement à ce qui est affirmé par les autorités algériennes, cet opposant très actif sur Youtube et les réseaux sociaux n’a pas été du tout extradé par la justice espagnole à la demande de la justice algérienne. Non, loin s’en faut. Mohamed Abdellah n’a pas fait l’objet de tractations poussées entre les autorités judiciaires algériennes et espagnoles. Et aucun dossier judiciaire accablant n’a été retenu à son encontre par les magistrats espagnols.
Le dissident algérien a été expulsé tout bonnement pour séjour irrégulier sur le territoire espagnol alors que sa demande d’asile a été rejetée catégoriquement par l’office chargé de traiter et de gérer les dossiers des réfugiés politiques en Espagne, à savoir l’OAR (Oficina de Asilo y Refugio – Bureau chargé de l’asile et des réfugiés). Mohamed Abdellah n’a pas correctement suivi les démarches nécessaires pour procéder à des recours et contester ce refus en utilisant tous les moyens réglementaires qui étaient à sa portée. Il s’est retrouvé ainsi piégé dans un imbroglio administratif et il a perdu son statut de demandeur d’asile en Espagne. C’est le ministère de l’Intérieur espagnol qui a décidé ainsi de l’expulser en compagnie d’une trentaine d’autres migrants algériens ayant séjourné clandestinement sur le territoire espagnol. Cette expulsion s’est déroulée le samedi soir depuis Almeria, au sud de l’Espagne, vers Ghazaouat dans la wilaya de Tlemcen à l’ouest du pays.
Son affaire n’a aucune dimension politique et son expulsion ne reflète aucunement cette supposée influence ou puissance dont se targue le pouvoir algérien. Le sort réservé à Mohamed Abdellah est le même que des milliers de Harragas algériens connaissent ou subissent depuis de nombreuses années, à savoir une expulsion à la suite d’une arrestation pour séjour irrégulier ou migration clandestine.
Ce lundi 23 août, le procureur de la République du tribunal de Sidi M’hamed a finit par ordonner le placement sous mandat de dépôt de l’ex-gendarme Mohamed Abdellah au terme de son audition. Plusieurs charges sont retenues contre le prévenu notamment appartenance à un groupe armé terroriste, atteinte à la sécurité de l’Etat, financement d’une organisation terroriste, blanchiment d’argent d’une organisation criminelle. Mohamed Abdellah a été ensuite incarcéré à l’établissement pénitentiaire d’El Harrach (Alger). Il devra comparaître prochainement devant un magistrat instructeur pour être entendu et auditionné dans plusieurs affaires liés à ses publications sur Facebook et ses vidéos sur Youtube.
Force est de constater que l’infortuné Mohamed Abdellah a été confondu ce lundi avec les accusés dans l’affaire du crime barbare de Djamel Bensmail à Larbaâ Nath Irathen qui ont été présentés également pendant la même journée devant le tribunal de Sidi M’hamed. Les médias algériens ont entretenu sciemment cette confusion en juxtaposant les deux affaires qui n’ont strictement aucun lien. Les autorités algériennes ont voulu associer Mohamed Abdellah à cette affaire scabreuse du crime abject de Djamel Bensmail. Une manoeuvre pour salir son image et accabler fortement sa personne afin de retourner l’opinion publique contre lui en le mettant dans le même sac que les assassins barbares de Djamel Bensmail.
Il faut savoir enfin que le pouvoir algérien en veut particulièrement à Mohamed Abdellah qui est un ancien sergent-chef de la Gendarmerie algérienne. Dés sa fuite à l’étranger, entre 2017 et 2018, cet ancien gendarme s’est établi à Alicante au sud de l’Espagne et s’est fait connaître notamment par sa chaîne YouTube, très suivie en Algérie dans laquelle il avait dénoncé et révélé plusieurs scandales concernant les dérapages des forces de sécurité et leur implication dans des grosses affaires de corruption.